Préparation Mentale : Hypnose et Sophrologie

De la Gestion de l'état d'hypervigilance

Formidable terrain d'entrainement des techniques de sophrologie, la compétition sportive permet de se confronter à la réalité pour les développer. De la gestion du stress, à la nécessité de contrôler respiration, contraction, détente, à peaufiner les techniques de visualisation pour fluidifier les mouvements, optimiser les moments de récupération pour que l'organisme supporte mieux les entrainements, canaliser son énergie pour qu'elle soit un moteur et non un frein etc ...

L'apport de nos techniques est depuis longtemps incontestable dans le sport.

Mais nos techniques sont évolutives et la formation continue des sophrologues une nécessité !

J'ai décidé de m'engager personnellement au guidon d'une moto Sophro-87 sur certaines manches du championnat de France des rallyes routiers afin de développer certaines techniques. N'étant pas un pilote, la moto sophro-87 n'a bien sûr aucune ambition en terme de classement.

Le but de cette expérience est de développer des outils pour permettre de dompter l'hypervigilance.



Rallye moto de la Sarthe

2ème manche du championnat de France

Avril 2015


L'épreuve commence par un départ chacun son tour toutes les 30 secondes pour une liaison routière du port de la Suze sur Sarthe jusqu'au circuit Bugatti au Mans.



Sur chaque liaison, nous disposons d'un road book et d'un temps imparti. A chaque pilote de suivre les indications pour rallier l'arrivée en suivant précisément l'itinéraire indiqué.



Je suis surpris car le parcours est balisé par des panneaux spécifiques à chaque croisement, le temps à respecter est large, nous arrivons en petits groupes aux portes du circuit et nous nous installons le long de la pit lane pour un mini briefing d'avant course.

Le temps d'enlever quelques petites choses installées sur la moto (dérouleur de road-book, sac de selle) et c'est parti pour un tour de reconnaissance.

Ça tombe bien, ne regardant jamais de courses à la télévision, je ne connais pas du tout le circuit, ce premier tour va donc m'aider à visualiser le parcours. J'entends un concurrent parler d'entrainement sur console de jeu, un moyen efficace et simple d'apprendre le tracé, si je reviens, j'essaierai.

La piste est froide et humide, il va falloir être aussi fluide que possible sous peine de glisse et de chute.

Fin de ce tour de reconnaissance, des commissaires de course nous placent en grille de départ sur la ligne droite, je jette un œil alentour, c'est grand, impressionnant, je sens comme une valve qui s'ouvre à l'intérieur de moi, je sais que j'ai trouvé ce que je venais chercher.

J'ai laissé monter le stress jusqu'à ce niveau fin d'étudier le lien entre l'adrénaline et l'hypervigilance.

Soumis à un stress important, le corps réagit selon des schémas connus. L'adrénaline va bientôt affluer dans tout mon corps, favorisant la dilatation des bronches et donc l'oxygénation des muscles et du cerveau. Elle va aussi augmenter mon rythme cardiaque et donc envoyer plus de sang dans tout mon organisme, dilater mes pupilles, ralentir ma digestion etc ...

La libération de l'adrénaline dans le corps n'a qu'un seul but : booster l'organisme pour sa survie, c'est un fonctionnement automatique, hérité de milliers d'années d'évolution.

C'est un fabuleux booster dans le cadre d'une compétition sportive mais qu'il convient de gérer pour ne pas devenir fébrile et donc imprécis dans ses mouvements.

D'après mon expérimentation, cet apport est nécessaire au passage vers l'état d'hypervigilance que je suis venu étudier aujourd'hui.

L'hypervigilance est un niveau de conscience particulier.
Ces niveaux de conscience peuvent être schématisés ainsi :

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Hypervigilance

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veille normale

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niveau sophroliminal – yoga – méditation ...

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sommeil

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coma

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mort

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A chaque niveau, des facteurs psycho-corporels particuliers.

Les sophrologues utilisent le niveau sophroliminal pour accompagner leurs clients.

Nous avons donc nombre de techniques pour passer du niveau de veille normal au niveau sophroliminal et inversement.

Avec de l'entrainement, on arrive très facilement à rester volontairement au niveau sophroliminal pour profiter de ce qu'il peut nous apporter.

C'est un domaine connu et parfaitement documenté, je ne vois pas ce que je pourrais y apporter de pertinent.


En revanche, le passage de la veille normale au niveau d'hypervigilance l'est beaucoup moins et c'est pourquoi mon étude actuelle porte sur le passage volontaire vers cet état et son contrôle.

Le stress joue un rôle majeur dans la bascule vers cet état.

Il me semble donc nécessaire, voire indispensable de s'en faire un allié.

Ne pas lutter contre lui, mais l'utiliser à bon escient.

Il me reste encore un tour de chauffe avant la course, je dois donc pour l'instant rester juste en dessous de ce seuil, le corps énergique mais pas tendu, l'esprit le plus vif possible, attentif à ce qui se passe en moi.

Concrètement, je m'oxygène avec une respiration thoracique ample mais lente et je relâche les épaules, le ventre et les muscles des cuisses.

Tour de chauffe :

il sert à mettre les pneus à température pour que leur adhérence soit optimale.
Même chose pour moi : ce tour doit me servir à monter au niveau d'hypervigilance.

Drapeau rouge puis vert, nous nous élançons par ligne de 3 pilotes.
Attention, ce n'est pas le départ de course, c'est le tour de chauffe …


Sucre et oxygène !

L'irrigation doit être la plus énergique possible, le cœur doit battre avec plus de puissance, la respiration doit être souple, ample et profonde pour envoyer l'oxygène au muscle et au cerveau.

Je commence par accentuer ma respiration thoracique en pensant « libération du stress, ouverture des vannes » , je fais confiance à mon corps, à lui de jouer.

J'ouvre mon regard en largeur pour prendre conscience d'où je me trouve.

Le mythique circuit du Mans … je participe à une course de moto sur le circuit Bugatti du Mans … Présence des autres concurrents, je suis entouré de pilotes, je fais partie de cette course.

Je prends conscience de ma présence dans cet événement.

Instantanément je souris : plaisir, bonheur pur, c'est parti !

Je dois faire chauffer les pneumatiques, accélération, freinage, et aussi continuer de repérer le tracé que je ne connais pas. (j'ai d'ailleurs un peu de honte qui pointe le bout de son nez … je la laisse vite passer pour profiter de tout le reste)

Rester fluide et souple.

Depuis le départ, un concurrent devant moi me semble tendu (déformation professionnelle, j'ai l'habitude de repérer les signes d'un stress non contrôlé), malheureusement je ne me suis pas trompé. Il glisse et chute sans gravité, durant les 3 virages suivants, le rythme autour de moi est modifié, sa chute à tendu les pilotes qui l'ont vue, les trajectoires ne sont pas fluides, il y a de la peur. Je me faufile pour ne pas rester dans ce groupe.

Le tour se termine et j'ai l'impression qu'il est passé à toute allure. C'est le signe que je ne suis donc pas encore au niveau souhaité.

L'hypervigilance se caractérise par une sensation de temps suspendu, de lenteur, et en aucun cas de rapidité.

Arrêt sur la grille de départ, drapeau rouge.

Lorsque le vert sera levé, nous nous élancerons tous pour 4 tours de course.
Il est temps d'ouvrir en grand les vannes.

L'attente devient longue, les pneus refroidissent ce qui est mauvais pour eux mais cela m'aide à monter encore d'un cran. Je trouve cela interminable, c'est bon signe.

VERT !

Je m'élance au milieu d'un troupeau de furieux, attention à ne pas perdre de vue que je ne suis pas un pilote … je n'ai encore jamais fait ça … au bout de la ligne droite la piste se rétrécie, on arrive en troupeau, je suis pris dans le peloton.
Je me sens comme un gamin dans un magasin de bonbons, une foule de sensations, d'émotions … j'adorerais prendre mon temps pour les vivre toutes avec délice mais je suis quand même là pour travailler ...

Premier tour : je laisse les autres me montrer les trajectoires et le rythme : 2'42

Deuxième tour : au boulot maintenant ! Je commence à essayer de rouler pour moi, je m'efforce d'être fluide : 2'26

Troisième tour : pas si simple de doubler ! Mais je commence à savoir à la sortie d'un virage quel sera le suivant et à me dire que je roule vraiment lentement, parfait : je suis en état d'hypervigilance … pas de signe de stress négatif, je respire et déroule le circuit. 2'25

Quatrième tour : C'est le dernier,

Il faut de la précision, j'entrevois le travail à réaliser par les pilotes pour réussir à aller très vite. Des évidences : l'importance de l'entrainement, la répétition des gestes, des postures, l'ancrage, la visualisation … Ce travail est en train de se faire, à chaque tour je gagne en facilité. Je m'amuse maintenant à me bagarrer avec d'autres pilotes, je me régale. Le chrono tombe encore de 2 secondes et je sens que j'ai vraiment beaucoup de marge de progression : 2'23

Drapeau à damier, tour de décélération avec des commissaires de course et du public qui nous applaudissent, je leur fais signe pour les remercier, je profite pleinement de ces instants rares.

Sortie de piste via la pit lane, arrêt des moteurs, il faut réinstaller ce que j'ai démonté.

L'adrénaline coule à flots, il est temps de calmer le jeu et vite ! Sans les nécessités psycho-corporelles de la course, toute cette adrénaline va me faire basculer dans l'énervement. Le temps semble rattraper le retard, il semblait très lent en course et maintenant j'ai l'impression que je ne vais pas arriver à simplement rattacher correctement mon sac de selle à temps alors que j'ai 15 minutes pour le faire !

Si je ne fais rien je vais passer à un stade d'excitation extrême, de fébrilité (on parle fort et très vite, gestes saccadés, etc …)

Attention : je suis en limite haute du stade d'hypervigilance.

Je reprends le contrôle, respiration abdominale lente, je sens la pression qui diminue, je relâche les épaules, le ventre, les cuisses, je dois redescendre au niveau de veille normal. Rester trop longtemps en hypervigilance m'épuiserait trop vite, le rallye dure toute la journée et il n'est même pas 10h00 ...

15 minutes de pause, je m'hydrate et mange une barre de céréales.

Je respire et détends à nouveau tout mon corps.

Je laisse toutes les sensations positives me nourrir en respiration synchronisée.

Quel pied !!! Mesdames et messieurs les pilotes, vous en avez de la chance de vivre ça régulièrement !

Liaison routière vers le parc pilotes, un temps à respecter mais il est confortable, c'est assez simple.

J'en profite pour ancrer ce que je viens de vivre, je n'ai pas de bloc note ni d'assistante pour ne rien oublier et je suis là pour le boulot moi !!!

Longue pause avant le départ pour la suite de la course, je dois m'occuper de la moto, pression des pneus et réglages suspension, manger et boire.

Départ de la 2ème partie de la course.
Les pilotes partent un par un toutes les 30 secondes.

Cette fois le parcours n'est pas fléché, il faut utiliser les indications du road book pour rejoindre la spéciale. Une spéciale est une zone de route fermée pour l'occasion et sécurisée sur laquelle il faut aller le plus vite possible entre 2 cellules de chronométrage.

Mais avant d'arriver au départ de la zone de spéciale, il ne faut pas se perdre …

Nous sommes soumis au code de la route donc gare aux excès de vitesse liés à l'euphorie.

Gare aussi aux pièges des petites routes empruntées : priorités à droites, plaques de gravillons et autres. Le champion en titre en a d'ailleurs fait les frais lors de la liaison vers le circuit, il a chuté sur un passage piéton rendu glissant par l'humidité. Une petite glissade sans gravité mais il s'est retrouvé hors course avant même d'avoir pu en découdre avec ses rivaux.

Je ne vais pas détailler ici l'ensemble de la course, la matinée m'a servi à construire un protocole, l'après midi les techniques utilisées furent les mêmes que le matin, cette partie me servant à en valider l'organisation et à commencer à en tester la pertinence.

En voici le protocole :

. Niveau de veille normal durant les liaisons,
. Gestion du niveau de vigilance durant l'attente avant les spéciales (peut-être le plus difficile à cause du timing fluctuant.)
. Passage en hypervigilance en fin de cette attente :
. Prise de conscience du lieu, de l'évènement.
. Oxygénation importante en respiration thoracique profonde 30 secondes avant le départ.
. Reprise d'une respiration normale 5 secondes avant le départ.
. Utiliser le premier freinage pour faire monter le stress et libérer de l'adrénaline.
. Ouvrir à nouveau le regard en largeur.
. Dérouler le reste du tracé comme un film au ralenti en se visualisant 1m devant la moto.
. Sophro déplacement du négatif et relâchement méthodique du corps une fois la ligne franchie.
. Respiration abdominale lente jusqu'à la case suivante du road book.
. Reprendre une respiration normale sur la liaison, profiter, vivre, rester attentif mais détendu jusqu'au départ de la spéciale suivante.

Et on recommence …

Spéciale 1 premier passage : 2'10.21 – 83ème place

Spéciale 2 premier passage : 2'06.01 – 72ème place

Spéciale 1 deuxième passage : 2'04.79 (environ 5 secondes de gagnées) – 51ème place

Spéciale 2 deuxième passage : 2'01.85 (environ 5 secondes de gagnées) – 40ème place

Il reste une dernière liaison routière vers l'arrivée et c'est la fin de l'étape de jour sur laquelle j'étais inscrit.
Un rallye routier comporte une étape de jour et une de nuit.

Ne m'étant inscrit que sur l'étape de jour, je n'y participerai pas.

Mettant en scène un grand nombre d'autres aspects particuliers (gestion de la vision nocturne, gestion de la fatigue psycho-corporelle accumulée, etc …) l'apport des techniques de sophro dans la gestion de l'état de vigilance sur l'étape de nuit fera l'objet d'une étude particulière lorsque l'étude sur la partie jour sera terminée.

Je ne suis donc classé que sur l'étape de jour où je termine 54ème sur les 151 inscrits.

L'objectif n'est bien entendu pas ce classement (je suis sophrologue, pas pilote …) mais il est important pour mesurer l'intérêt des techniques mises en œuvre.

A l'issue de cette course, l'entrainement à la gestion de l'hypervigilance me semble désormais non seulement un apport certain, mais clairement un domaine obligatoire pour les compétiteurs de haut niveau ainsi qu'un champ d'application de la sophrologie sportive tout simplement passionnant.

Sophro-87 | Pierre Pompier 05 55 36 29 26 | sophrologue & hypnothérapeute Limoges et Saint Maurice les Brousses